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Au fil des questions au programme d'histoire-géographie des classes de lycée. Des commentaires, exercices, rappels, ...

lundi 28 février 2011

Que reste-t-il de Boumediène?

La révolution qui emporte les pays de sud et de l'est de la Méditerranée engendre rêves ( celui d'une démocratie qui se répandrait heureusement dans des pays jusque là privés du plein exercice des libertés individuelles), peurs (celui de flux migratoires que l'Europe subirait de plein fouet), et fantasmes. Des  hommes d'affaires (par exemple celui dont le lien suit) évoquent ainsi le risque d'un renchérissement du cours des matières premières, seul moyen pour les nouveaux régimes de satisfaire aux besoins de leurs populations, véritable épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des pays riches installés au Nord de la Méditerranée.

Cette peur d'un rééquilibrage au profit des pays du Sud invite à un retour sur une personnalité du monde arabe qui a marqué son époque - celle des années 60 et 70, où le Tiers Monde cherchait à faire entendre sa voix -, et dont la mémoire est intacte en Algérie comme dans le monde arabe : Houari Boumédiene.




Né aux environs de Guelma (Algérie) en 1932, issu d'une famille pauvre, Houari Boumediene (de son vrai nom Boukherouba Mohamed Brahim) a suivi l'enseignement des écoles coraniques, celui de l'université Al-Azhar (Egypte), puis celui de l'école militaire. 
La guerre d'Algérie permet sa promotion : simple combattant de l'ALN (Armée de Libération Nationale) en 1956, il devient chef de l'état-major en 1960. Il soutient la formation du gouvernement de Ben Bella qui prend le pouvoir lors de l'indépendance en 1962. Mais trois ansplus tard, en 1965, il est l'auteur d'un coup d'état qui renverse Ben Bella. Il restera à la tête de l'Algérie jusqu'à sa mort, en 1978.


Au plan économique, les années Boumediène sont des années d'affirmation de la souveraineté algérienne sur les ressources de son territoire. En 1966, les mines et compagnies d'assurances étrangères sont nationalisées. En 1971, c'est au tour des hydrocarbures : l'Etat acquiert 51% des avoirs des sociétés pétrolières françaises présentes en Algérie. 
A l'origine d'une politique d'indépendance économique à l'échelle de l'Algérie, Boumediène devient le leader d'un Tiers Monde désireux de faire entendre sa voix, et de poser la question du développement. En 1973, le IVe sommet des non-alignés se tient à Alger. C'est l'occasion pour Houari Boumediène de prononcer un discours qui fera date ( et qui peut faire l'objet d'une étude de document en mineure...)



Discours de Houari Boumediene à la conférence d'Alger (1973) :
« La coopération économique internationale ne saurait prendre un essor durable que si elle repose sur le principe de la souveraineté effective et concrète des pays en voie de développement sur leurs ressources naturelles et sur le principe de la maîtrise, par ces pays, des mécanismes qui commandent le fonctionnement de leur économie. Il s'agit d'abord du contrôle effectif de chaque Etat sur l'exploitation de ses richesses naturelles et sur la conduite de ses activités économiques internes, ce qui implique [...] le droit à la nationalisation. Il convient, en même temps, d'engager ou de poursuivre les transformations nécessaires dans les structures économiques internes, en vue de les adapter aux exigences d'un développement efficace et rapide, permettant d'accélérer le processus d'élimination du sous-développement. 
En outre, la conférence a souligné la nécessité de renforcer la solidarité et la coopération entre les pays non alignés, par la mise en commun et la coordination de leurs efforts, et ce, afin d'accroître leur pouvoir de négociation dans la confrontation avec les groupements des pays industrialisés et de renforcer leur capacité de résistance à l'exploitation, aux pressions et aux agressions économiques. De même, elle s'est prononcée pour le soutien sans réserve de tous ceux qui luttent pour la récupération de leurs ressources nationales.


Enfin, la conférence préconise et encourage la mise en place d'organismes communs entre pays producteurs exportateurs de produits de base, comme c'est le cas notamment pour le pétrole et le cuivre, de même qu'elle préconise la tenue d'une conférence des pays en voie de développement au sujet de ces produits de base. [...]
Elle a décidé, en plus, la création d'un fonds de développement et de solidarité pour les pays non-alignés.
Elle préconise, enfin, une réunion conjointe de la C.N.U.C.E.D. et de la F.A.O. en vue d'examiner les mesures à prendre pour parer aux conséquences de la crise alimentaire mondiale qui se profile en ce moment, et dont les pays en voie de développement risquent d'être les seules victimes.

Compter sur soi apparaît ainsi comme le corollaire, sur le plan économique, de la politique de non-alignement. Car dans la mesure où le non-alignement consiste essentiellement à protéger l'indépendance nationale contre les pressions hégémonistes, les convoitises et l'attraction des zones d'influence, il serait pour le moins peu réaliste de fonder son développement uniquement sur l'appui de l'aide extérieure. » 
FAO : organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture.
CNUCED : Conférence de Nations Unies sur le commerce et le développement. 


Source : Extrait du discours de clôture prononcé par Houari Boumediene, président de la République d'Algérie à la 4ème conférence des pays non-alignés (Alger, le 9 septembre 1973) paru dans France-Algérie, n° 43, septembre 1973.




http://www.ina.fr/video/CAF94073744/sommet-alger.fr.html

Le président de l'Algérie trace alors, pour l'ensemble des pays du Tiers Monde,  une voie qui doit permettre la sortie du sous-développement : reconquête des ressources du sous-sol par la nationalisation, coopération économique des pays non-alignés, mise sur pied d'organisations qui permettent de faire pression sur les marchés (comme l'Organisation des pays exportateurs de pétrole, OPEP, dont l'Algérie est membre depuis 1969). 
L'arme du pétrole montre toute son efficacité dès l'automne 1973, où elle est utilisée par les payas arabes comme moyen de pression dans la guerre du Kippour. 
Houari Boumediène est aussi à l'origine de la convocation d'une session extraordinaire de l'Assemblée générale de l'ONU, en 1974, au cours de laquelle est rédigée une déclaration sur les "droits et devoirs économiques des Etats dans leurs rapports mutuels". Cette déclaration semble aller dans le sens du nouvel ordre économique international  (NOEI) souhaité par Houari Boumediène, puisqu'elle affirme que le nouvel ordre économique international devrait être fondé, entre autres, sur la "souveraineté permanente intégrale de chaque Etat sur ses ressources naturelles et sur ses activités économiques". (Déclaration adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU réunie en session extraordinaire, le 1er mai 1974).
Sources : 
Le Monde diplomatique, Manières de voir, 1986, chronologie sur l'Algérie, 
http://www.monde-diplomatique.fr/mav/86/PIRONET/14100
Jeune Afrique consacre un article récent à cette personnalité incontournable : 
http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAJA2607p079-081.xml0/

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