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Au fil des questions au programme d'histoire-géographie des classes de lycée. Des commentaires, exercices, rappels, ...

dimanche 12 juin 2011

L'Irak de Saddam Hussein (1979-2003): le nouveau "gendarme du Golfe"?

  • Saddam Hussein ou le renouveau du rêve arabe
En 1979, Saddam Hussein s'empare du pouvoir suprême en Irak. Il est alors âgé de 42 ans. 
Membre du parti baas depuis longtemps ( il y a adhéré alors qu'il était âgé de 19 ans), il a participé au coup d'état de 1968 qui a porté ce parti au pouvoir en Irak. A la suite de ce coup de force, il a d'ailleurs été nommé vice-président en 1969. Son accession au pouvoir suprême en 1979 ne représente donc pas une rupture. 
Le parti baas a été créé en 1947 à Damas pour unifier les différents états arabes. Créé en Syrie, ce parti a étendu son influence dans les pays à forte composante sunnite, donc la Syrie et l'Irak. Le terme baas peut être traduit par "renaissance" : celle du monde arabe, qui doit reposer, selon les fondateurs de ce mouvement, sur trois piliers : le socialisme arabe, le nationalisme arabe, et la laïcité. Le parti baas prend le pouvoir en Syrie, à partir de 1970, et en Irak, à partir du coup d'état de 1968. 
Fresque réalisée en 2002. 
Saddam Hussein entend reprendre le flambeau du nationalisme arabe, un temps incarné par Nasser en Egypte. C'est ce qu'illustre cette fresque représentant Saddam Hussein comme le nouveau guide du monde arabe uni (une carte présentant le monde arabe est portée par les fidèles de Saddam). 
  • Le conflit Iran/Irak (1980-1988)
L'irak de Saddam Hussein prend l'initiative d'un conflit avec son voisin, l'Iran, en 1980. Ce long conflit - qui dure 8 ans et est le plus meurtrier des conflits déclenchés depuis 1945 - illustre le désordre mondial de la fin des années 1970.
Depuis le milieu des années 1970, la détente a laissé la place à une nouvelle période de tensions, que l'on nomme "la guerre fraîche". L'influence des Etats-Unis est alors en net retrait ; les Etats-Unis sont par ailleurs convaincus que l'URSS grignote du terrain, étendant sa zone d'influence. Ce n'est pas totalement faux, mais l'essentiel est alors que le recul des deux Grands autorise l'émergence de nouveaux pôles, qui échappent à leur puissance. 
1979, soldats iraniens défilant sous des portraits de l'imam
Khomeiny en piétinant le drapeau américain
C'est précisément le cas tant de l'Irak - allié de l'URSS mais qui semble peu disposé à se laisser dicter sa conduite -, que de l'Iran - qui était, jusqu'en 1978, le plus fidèle allié des Etats-Unis dans la zone, mais qui a connu en 1979 une révolution islamique portant l'ayatollah Khomeiny au pouvoir. Or, le régime de Khomeiny se pose comme un adversaire résolu des Etats-Unis. Les cartes sont donc totalement redistribuées dans la zone, situation favorable au coup de force. 

Les raisons qui poussent l'Irak au conflit sont de nature diverse : des affrontements frontaliers déclenchés par l'Iran sont mis en avant ( zone disputée du fleuve Chatt-el-Arab, sur lequel un accord prévoyait la libre circulation). L'Irak cherche par ailleurs à reprendre des territoires que l'Iran s'est approprié. En dehors des revendications territoriales, des différents politiques sont aussi à l'origine du conflit. Tous les pays arabes de la zone, l'Irak en tête, vivent des exportations de pétrole. Cette recette est mise en péril par la révolution iranienne. Enfin, la révolution iranienne a porté au pouvoir les chiites et mis en place un régime intégriste, dans lequel la religion doit imposer sa marque au pouvoir politique. Or l'Iran soutient les chiites d'Irak, nombreux dans le sud du pays et opposés au régime laïc de Saddam Hussein. 
«...Prudent, avisé et calculateur, pourquoi a-t-il (Hussein) pris le risque de cette guerre ? D'abord, parce qu'il fallait, de toute manière, pour restaurer l'Irak dans ses dimensions historiques, lui rendre ces petits bouts de territoire que le chah d'Iran, quand il était au sommet de sa puissance, lui avait arrachés. Ensuite, parce que le nouveau régime islamique de Téhéran, depuis des mois, appelait les chiites irakiens à la révolte. C'était pour l'Irak, dont la majorité de la population est de rite chiite, un danger mortel. Et sur cette question, Saddam Hussein ne badine pas (...) En prenant ces objectifs à son compte, Saddam Hussein se taille, à coups de canons, un profil de grand dirigeant arabe, tout en réalisant sur le terrain son propre dessein national. Reste à savoir si les dirigeants irakiens n'ont pas sous-estimé la capacité de résistance de l'ancien géant militaire iranien. Et si la fortune des armes finit par sourire vraiment à Saddam Hussein, beaucoup dépendra de la manière dont il saura se dégager de cette guerre, c'est-à-dire la terminer.» 
Le Nouvel Observateur,  29 septembre 1980.
Le 22 septembre 1990, les troupes irakiennes envahissent la région iranienne du Khouzistan, riche en pétrole. Les deux pays disposent de stocks conséquents d'armes sophistiquées. L'Irak reçoit de la France, du Royaume-Uni, de l'Allemagne, des Etats-Unis, de l'URSS, le concours de savants, spécialistes du nucléaire et des armes de toutes sortes. Le régime de Saddam Hussein sert alors de rempart laïque à l'Occident pour contenir la déferlante islamique venue d'Iran. Le conflit Iran/Irak échappe à la logique bipolaire, puisque les Etats-Unis (déstabilisés dans la zone par le régime iranien) comme l'URSS ( qui craint la contagion révolutionnaire venue d'Iran dans les républiques d'Asie centrale, alors qu'elle-même s'enlise dans le conflit afghan), prônent la neutralité (tout en aidant le régime irakien).
Pourtant, le conflit s'enlise de part et d'autre de la frontière, aucun des deux pays ne parvenant à l'emporter. Le régime de Saddam Hussein n'hésite pas à utiliser l'arme chimique contre les Iraniens et les Kurdes (massacre de Halabja - mal orthographié sur la carte ci-contre- mars 1988, 4 500 morts).
En 1988, l'ONU parvient à imposer un cessez-le-feu, difficilement négocié par son secrétaire général, Perez de Cuellar. 
  • Une lutte sans merci avec les Etats-Unis

Plantu, Golfe Persique, août 1990
En août 1990, l'Irak est à l'origine d'un nouveau conflit, cette fois contre le Koweït, dont Saddam Hussein estime qu'il s'agit d'un état illégitime (l'Irak n'a jamais reconnu l'indépendance octroyée par le Royaume Uni à ce petit territoire en 1961). Annexer le Koweït donnerait à l'Irak un accès plus facile au golfe persique. De plus, l'Irak reproche au Koweït de maintenir une forte production de pétrole, et donc de faire chuter les cours, ce qui est préjudiciable aux autres pays producteurs, et particulièrement à l'Irak criblé de dettes depuis la première guerre du Golfe (autre nom de la guerre Iran/Irak). 
Le 2 août 1990, les troupes irakiennes envahissent le petit état du Koweït. La caricature de Plantu dépeint un coup de force ( Saddam Hussein est sur le point de faire rendre gorge à l'émir du Koweït, Jaber III) et l'arrivée inopinée de sauveurs - sur des tapis volants tels des Aladins occidentaux... - venus des Etats-Unis. Au moment où la caricature de Plantu paraît, les sauveurs se préparent effectivement puisque les Etats-Unis déploient d'importantes forces militaires en Arabie saoudite et dans le golfe Persique. C'est le Desert Shield (Bouclier du désert, nom donné à l'opération de préparation militaire). L'invasion du Koweït provoque donc la rupture entre l'Irak et les Etats-Unis. 
La deuxième guerre du Golfe témoigne du nouveau rôle conféré à l'ONU, qui condamne immédiatement l'agression, exige un retrait immédiat et inconditionnel (résolution 660), décide d'un embargo économique et commercial (résolution 661), puis lance un ultimatum en janvier 1991, qui laisse jusqu'au 17 janvier à l'Irak pour retirer ses troupes du Koweït.
Au terme du sursis qui lui a été laissé, une coalition forte de 28 nations, sous commandement américain ( opération Desert Storm, tempête du désert) entre en guerre contre l'Irak pour libérer Koweït City et obliger Bagdad à la reddition. 
Caricature de Plantu, Le Monde, 1er mars 1991
La deuxième guerre du Golfe - menée par une coalition de 750 000 hommes et des moyens militaires conséquents - affaiblit considérablement l'Irak. Pour autant, même si les Etats-Unis espéraient que le dictateur soit chassé du pouvoir au terme du conflit, Saddam Hussein conserve la totalité des ses prérogatives sur un pays désormais extrêmement diminué.
C'est la troisième guerre du Golfe, déclenchée par les Etats-Unis dans le contexte de l'après-11 septembre, qui porte le coup de grâce au régime. Persuadé - à tort - que l'Irak détient des armes de destruction massive, le président américain George W.Bush, alors en pleine croisade contre l'Axe du mal, décide, avec une coalition nettement plus restreinte, et sans l'aval de l'ONU, de renverser Saddam Hussein. Une coalition essentiellement anglo-américaine attaque l'Irak en mars 2003 (opération Liberté pour l'Irak). Après trois semaines de combat, Bagdad tombe. Le régime de Saddam Hussein s'effondre, et Saddam Hussein lui-même est capturé par les Américains en décembre 2003. Jugé par le Tribunal spécial irakien, condamné à mort, il est pendu en décembre 2006.

Sur le tribunal spécial irakien et ses attributions :
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/monde/20060123.OBS3292/le-haut-tribunal-penal-irakien.html
Sources : 
http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=571
Histoire Tles L,ES, S, Hachette, 2008, p. 178.
Plantu, Un vague souvenir, Le Monde éditions, 1990, p. 132

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